Formation d'observateurs légaux


Définition générale de l'observateur :


L'objectif des observateurs est de permettre au gens de manifester le plus librement possible avec un minimum de conséquences dans le système légal. L'observateur récolte les informations sur les incidents, les arrestations, la mauvaise conduite des forces de l'ordre, de manière à devenir un témoin crédible dans éventualité d'un procès criminel. Toutefois, l'avantage premier de la présence d'observateurs dans une manifestation tient du fait que leur simple présence en tant qu'observateur tend à réduire la probabilité qu'il y ait des abus policiers ou tout au moins, à ce que les arrestations se fassent de manière moins violente.

Selon les circonstances particulières de chaque manifestation, l'observateur doit s'adapter. Dans l'éventualité où les policiers laissent les observateurs parler avec les personnes qui ont été arrêtées, l'observateur peut informer les manifestants de leurs droits, entre autres le droit de garder le silence. À l'opposé, si la manifestation en vient à être hors de contrôle et qu'il y a des arrestations de masse, le travail d'observateur sera beaucoup plus difficile et les risques de se faire arrêter sont plus grands. Il est même possible que l'observateur ne puisse pas prendre d'informations spécifiques et ne puisse que faire un constat général sur ce qui s'est passé. L'observateur n'est pas là pour contrôler la foule ou pour être porte-parole de groupes auprès des médias. Il ne doit pas entraver le processus d'arrestation. Faites savoir clairement aux médias et/ou à la police que vous n'êtes pas des représentants des manifestants et que vous ne voulez pas parler en leur nom. L'observateur doit avoir des connaissances rudimentaires des accusations dont peuvent être potentiellement accusés les manifestants et sur le processus qui s'enclenche lorsque quelqu'un est arrêté.

Objectivité de l'observateur :


L'observateur doit rester hors des désordres à moins que ce ne soit impossible; il doit demeurer toutefois assez proche pour ramasser de l'information efficacement. L'observateur peut être appelé à témoigner en cour, dans les procès des manifestants qui auront été arrêté. Le matériel qu'il accumule est pour la défense des manifestants, les incidents qui doivent être rapportés sont ceux qui serviront à la défense des manifestants et non les incidents incriminant des manifestants.

Droits de l'observateur :

L'observateur a les mêmes droits que n'importe quels manifestants (mais pas plus!), il est donc très probable qu'en cas d'arrestations de masse, les observateurs soient arrêtés comme les manifestants. Leurs notes peuvent être confisquées; d'où l'importance de mettre l'information en sécurité le plus vite possible. À ce sujet, il est important de bien connaître ses droits et les limites de ceux-ci. Il faut noter toutefois que s'il y a des accusations d'attroupement illégal, l'observateur par sa fonction, pourra possiblement démontrer qu'il ne faisait pas partie du but commun de l'attroupement.

Communication avec les policiers:

- Autrement que pour obtenir le nom ou le numéro de matricule, éviter de communiquer verbalement ou par signe avec les policiers.
- lorsque l'observateur doit interagir avec la police, il est préférable :
· qu'il garde ses mains à la vue du policier
· qu'il ne fasse pas de mouvement brusque
· qu'il ne passe pas derrière le policier
· qu'il ne touche pas l'équipement du policier (véhicule, lampe de poche, animaux, etc.)
l'observateur devrait prendre note de ce dont il a été discuté avec la police

Récolte d'informations :

L'observateur doit prendre en note la situation générale d'un événement ainsi que certains incidents impliquant des violations de droits et libertés.
Pour dresser un portrait général de la situation, il est important de noter : L'événement
- l'objectif de l'événement
- le lieu et l'heure du début
- Le nombre de personnes présentes
- L'attitude des participants

Les forces de l'ordre
- le nombre de policiers visibles
- le rôle des policiers (contrôle de la circulation, identification-caméramen, anti-émeutes, etc.)
- l'attitude des policiers
- Portent-ils leur badge d'identification
Les incidents
- se rapprocher des incidents, tout en gardant une distance suffisante pour avoir une vue d'ensemble de la situation
- se familiariser avec les feuilles de témoignage afin de bien savoir ce qui doit être pris en note et afin de pouvoir remplir les rapports plus rapidement
- prendre note lors d'un incident :
· l'heure du début de l'incident
· le numéro du ou des policiers (noms et numéro de matricule - si ces informations ne sont pas disponibles, le décrire physiquement (voir fiche de témoignages)
· quels types de police sont présentes (municipale, provinciale, fédérale) et combien sont-ils approximativement
· qui commande les opérations
· quels avertissements sont donnés, qui les donne, qu'est-ce qui est dit, combien de fois sont-ils répétés
· quelle est la réaction des manifestants
· quelles parties sont bloquées (rues et heures)
· quels médias sont présents, à quel traitement ont-ils droit
· Quelles méthodes d'arrestation sont utilisées (encerclement, interpellations individuelles
· décrire le comportement des manifestants durant l'arrestation
· rendre compte du nombre de manifestants et de policiers ainsi que de leur comportement

- utiliser une enregistreuse peut être plus efficace que la prise de note manuelle
NB : pour enregistrer quelqu'un, il n'est pas nécessaire de demander sa permission, il faut seulement que l'enregistreuse ne soit pas dissimulée, elle doit être visible à la personne enregistrée (Avoir des batteries de rechange)

- inscrire dans les notes lorsque l'observateur a recours à des jumelles ou autres instruments (pour donner de la crédibilité au témoignage)
- Recueillir des objets pouvant servir de preuves tel que balles caoutchouc, morceau ou disque de bois, canette de gaz et les entreposer dans des sacs ziploc. Prendre les preuves à l'aide de gants ou de papier mouchoir, étiqueter les sacs en indiquant le lieu et l'heure de la collecte.
- retourner sur les lieux pour compléter les notes pendant que l'incident est encore frais à la mémoire
- relire les notes après la manifestation pour être certain qu'elles sont compréhensibles et qu'elles seront claires même après quelques semaines ou quelques mois parce que plusieurs mois peuvent passer avant que le procès ait lieu.
Il faut clairement se rappeler les faits. (voir la fiche d'incident pour la récolte d'information)

Préparation matérielle:
Avoir sur soi :
- les documents suivants :
· autorisation (s'il y a lieu)
· copies des feuilles de témoignages
· une carte d'identité
- cahier de note et crayons
- des sacs ziploc
- habillement :
· des vêtements les identifiant : un dossard, un brassard ou une casquette que tous les observateurs portent
· être habillé d'une manière plutôt conservatrice pour éviter de provoquer et pour passer plutôt inaperçu
· un imperméable (aussi efficace pour protéger la peau contre les effets des gaz)

- de la monnaie pour téléphoner
- un numéro de téléphone pour rejoindre le comité légal

Peuvent aussi être utiles :
- des jumelles
- une lampe de poche
- du matériel de premiers soins


Témoignage d'incident
· Si vous ne connaissez pas la réponse à certaines des questions contenues dans la fiche d'incident, laissez la case vide. N'essayez pas de deviner la réponse. Une seule affirmation fausse peut ruiner tout le rapport parce que généralement, les gens prennent pour acquis que si une réponse est erronée, elles sont toutes susceptibles de l'être.

L'utilisation des caméras vidéo et photo
Les images peuvent servir en cours pour prouver certains faits, identifier les responsables d'abus de pouvoir. Prendre des images peut décourager les policiers de commettre des actes qu'ils auraient autrement commis. Il n'existe pas au Canada de droit général à la vie privée. Vous pouvez prendre des images de quiconque dans un lieu public sans sa permission. Soyez toutefois visibles. Rappelez-vous toujours que les bandes vidéo, si elle sont présentées devant un juge comme preuve en faveur des manifestants, ne peuvent avoir subit un montage. Donc, il peut être préférable que certains incidents restent non-documentés… Attention, les preuves visuelles que vous soyez en train de prendre ne plairont pas nécessairement à tous... Il est très possible que plusieurs manifestants soient hostiles à votre présence, ne le prenez pas personnel! Annoncez votre intention de filmer, en cas de doute, demandez la permission. Les appareils photos et vidéos sont des appareils fragiles qui auront, dans ces cas, plus de chance d'être accrochés "accidentellement"... Vous risquez d'avoir beaucoup d'images de paumes de mains des policiers

Conseils
-être certain que le focus soit bien fait
-filmer le nom des rues au tout début
-s'approcher et être visible lorsque vous prenez des images
-s'arranger avec les autres observateurs avec vidéo ou appareil-photo qui sont avec vous pour qu'un prenne des images de la scène en général, alors que les autres iront en prendre d'un autre point de vue, de plus près...
-dire régulièrement quelle heure il est
-prendre les noms ou surnoms des témoins afin d'éventuellement pouvoir les contacter pour recueillir leur version des faits
-ne pas perdre de temps à essayer de filmer les hélicoptères
-changer de cassette lorsque vous filmez de la brutalité policière
-anticiper ce qui va se passer (essayer de savoir quand les policiers vont agir. Généralement ils se regroupent et n'attaquent pas spontanément

Conseils techniques pour les caméras
- Vérifier les batteries régulièrement
- Laisser la cassette rouler une minute avant de commencer à filmer
- S'assurer que la date et l'heure sur la caméra sont exactes. Si elles ne sont pas inscrites sur l'image, les dire régulièrement , par exemple "Québec, nous sommes le 20 avril 2001, il est présentement 6h..." - Ne pas oublier d'enregistrer le son lorsque vous filmez.
- Étiqueter les cassettes avec la date, le lieu, et votre nom. Le faire immédiatement... ne pas attendre et oublier!
- Avoir des enveloppes avec des timbres afin d'éventuellement pouvoir vous poster les cassettes, les rouleaux de film.
- Emporter beaucoup de films, de cassettes vidéos et de batteries de rechange... !!


Prendre des images:
-de plaques d'immatriculation
-de policiers en civil, en uniforme. Elles pourraient permettre l'identification de ceux qui ont abusés de leur pouvoir
-des personnes que vous pensez être des policiers. Vous pourriez les revoir dans d'autres circonstances.
-des personnes qui semble être des provocateurs "professionnels"
-de tout incident, incluant les arrestations.
-des lieux, des événements en général.

Du point de vue légal
- Toujours se rappeler que les avocats de la Couronne pourront demander à avoir accès à la totalité de ce qui a été filmé sur la cassette, ou à toutes les photos (avec négatifs).
- Pour que le document soit utilisable en cour, l'auteur du document doit être connu afin de pouvoir authentifier les images
-Idéalement, il faut filmer de manière continue pour bien suivre la série d'événements. Ça permet d'identifier clairement les vrais responsables. Donc, d'abord filmer la scène en général, l'identification des lieux, puis filmer les incidents. - Devant la cour, pour que les preuves visuelles soient considérées, on doit démontrer la "continuité". C'est-à-dire que la personne qui était en possession de "preuves" (négatifs, bande vidéo originale..) entre le moment où elles ont été prises et le procès ne les a pas truquées.


Dans l'éventualité où l'observateur choisit de laisser ses fonctions Il est possible de l'observateur décide de quitter ses fonctions, parce qu'il ne se sent plus en sécurité dans la situation ou qu'il choisit de poser une action hors de ses fonctions (par exemple, venir en aide à un manifestant). Si telle est la décision de l'observateur, celui-ci doit:
- retirer son dossard d'observateur
- remettre ses notes à un autre observateur afin de ne pas perdre les informations.

Sécurité de l'observateur :
Si vous savez que vous aller observer un événement où il y a un risque d'intervention policière musclée, les conseils suivants peuvent être utiles. Ils sont tirés du site www.action-medical.net, le site www.montrealmedical.n3.net est aussi une bonne source de conseil de sécurité et de premiers soins:
- des lunettes de badminton ou de menuiserie peuvent aider à se protéger les yeux des projectiles. Des lunettes de plongée qui créent une succion peuvent aider à protéger les yeux des gaz.
- bien manger et boire suffisamment d'eau avant la manifestation
- avoir sur soi assez d'eau potable pour ne pas se déshydrater, c'est-à-dire beaucoup!
- porter un chapeau ou une casquette pour se protéger du soleil
- La présence de détergent sur les vêtements y fait adhérer les produits chimiques employés par les policiers. Il est utile de laver les vêtements avec un savon qui ne contient pas de détergent.
- Les huiles naturelles font adhérer les produits chimiques à la peau. Il important de se laver avant d'aller à une manifestation, de préférence avec un savon sans parfum. Évitez d'appliquer des lotions hydratantes, du maquillage, de la crème solaire (sauf celle à base d'eau), de la Vaseline, des huiles minérales ou toute autre substance.
- Ne pas porter de verres de contact. Les irritants chimiques se retrouvent coincés entre le verre de contact et l'œil et peuvent causer des dommages permanents aux yeux.
- Se couvrir le corps le plus possible. Le port de vêtements qui ont des élastiques aux hanches, poignets, chevilles et cou permet d'éviter que les irritants chimiques se propagent sur l'ensemble de la peau. Des tissus imperméables (évitez le Goretex) sont préférables aux matériaux naturels ou à base de pétrole.
- En l'absence d'un masque à gaz, un foulard imbibé de vinaigre de cidre de pomme offre une protection efficace du système respiratoire. Un foulard imbibé d'eau ou de jus de citron est aussi plus efficace qu'un foulard sec.

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